23/10/2023

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Actualités | Veille légale RH Octobre 2023

Il est désormais possible d'acquérir des congés payés pendant un arrêt maladie

Dans deux arrêts importants, la Cour de cassation écarte partiellement l'application des articles L 3141-3 et L. 3141-5 du Code du travail.

 

Le premier texte prévoit, sous son premier alinéa, que le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur. Ce texte subordonne donc l’acquisition des droits à congé payé à un travail effectif. Le second prévoit des exceptions à cette condition. Il précise que certaines périodes sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé. Il en est ainsi des périodes de congé payé, des périodes de congé de maternité, de paternité et d'accueil de l'enfant et d'adoption, ou encore des périodes, dans la limite d'une durée ininterrompue d'un an, pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle.

 

Des salariés avaient saisi la justice pour voir reconnaître leurs droits à congés payés, pour des périodes qui n’entraient pas dans le champ des exceptions prévues par l’article L 3141-5 du Code du travail : pour le premier, il s’agissait d’une période d’arrêt de travail liée à un accident du travail, au-delà de la limite d’un an prévu par la loi, pour les seconds de périodes d’arrêt de travail causés par une maladie non professionnelle,

 

Les juges du fond saisis de la première affaire, sur l’arrêt de travail après un accident du travail, avaient rejeté la demande. Ils s’étaient en cela conformé à une jurisprudence constante de la Cour de cassation. Cette dernière appliquait en effet strictement les deux textes précités. Ceci alors même que le droit européen, tel qu’interprété par la Cour de justice de l'Union européenne, accorde à tout salarié un droit à congé, sans opérer de distinction entre les travailleurs qui sont absents du travail en vertu d'un congé de maladie, pendant la période de référence, et ceux qui ont effectivement travaillé au cours de ladite période (Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ; CJUE, 20 janvier 2009, Schultz-Hoff, C- 350/06, point 41; CJUE 24 janvier 2012, Dominguez, C-282/10, point 20). Dans la seconde affaire, les premiers juges avaient reconnus les droits à congé des salariés, s’opposant ainsi à la jurisprudence de la Cour de cassation.

 

Or cette dernière choisit de confirmer le second arrêt, et de casser celui qui s’est conformé à sa jurisprudence antérieure. Opérant un revirement de jurisprudence, elle juge qu’il convient d'écarter partiellement l'application de l'article L. 3141-5 du code du travail en ce qu’il limite à une durée ininterrompue d'un an les périodes de suspension du contrat de travail pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle assimilées à du temps de travail effectif pendant lesquelles le salarié peut acquérir des droits à congé payé. Elle écarte également partiellement l'application de l'article L. 3141-3 du code du travail, en ce qu'il subordonne à l'exécution d'un travail effectif l'acquisition de droits à congé payé par un salarié dont le contrat de travail est suspendu par l'effet d'un arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle.


De plus, les contrats conclus faisaient référence à la réalisation d'une enquête désignée par un numéro d'étude unique. Ceci ne permettait pas, selon la Cour de cassation, de constater que les contrats mentionnaient le motif précis du recours au CDD. 
Enfin, les juges d’appel avaient justifié le recours à des CDD successifs par le caractère fluctuant de l'activité. Or, rappelle la Haute Cour, le recours à l'utilisation de contrats successifs doit être justifié par des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi, ce que ces juges auraient dû contrôler.

 

Bon à savoir 💡

Au-delà de ses conséquences pratiques, cet arrêt est intéressant d’un point de vue juridique, pour le rôle qu’il reconnaît au juge national dans l’application du droit européen. En effet, la plupart des textes juridiques européens ne sont pas d’application directe dans les pays de l’Union européenne mais doivent y être transposés, par une loi ou un règlement. Tant que cette transposition n’a pas eu lieu, il n’est pas possible d’invoquer le texte en question devant le juge. Cependant, dans cette affaire, la Haute Cour juge que le droit européen doit s’appliquer, bien que les autorités politiques françaises n’aient pas pris les mesures permettant sa transposition. Selon elle, il incombe au juge national d'assurer, dans le cadre de ses compétences, la protection juridique découlant de l'article 31, § 2, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de garantir le plein effet de celui-ci en laissant au besoin inappliquée la réglementation nationale. Ce texte prévoit que tout travailleur a droit à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu'à une période annuelle de congés payés.

 

 

Sources :

(Courdecassation.fr) Cour de cassation, chambre sociale, 13 septembre 2023, n° 22-17.340 et n° 22-17.638

(Service-public.fr) Il est désormais possible d'acquérir des congés payés pendant un arrêt maladie

 

Report des congés du salarié en congé parental

Lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l'année de référence en raison de l'exercice de son droit au congé parental, les congés payés acquis à la date du début du congé parental doivent être reportés après la date de reprise du travail. En posant ce principe, la Cour de cassation, revient sur sa jurisprudence antérieure.

 

Rappelons qu’à l'occasion de la naissance ou de l'arrivée au foyer d'un enfant, le salarié peut arrêter de travailler pour s'occuper de l'enfant. Dans ce cas, il bénéficie d'un congé parental d'éducation, sous conditions d'ancienneté. La durée du congé varie en fonction du nombre d’enfants nés ou adoptés simultanément.

 

Jusqu’à présent, la Haute cour jugeait que, puisque c’est le salarié qui décide de partir en congé parental, c’était donc par l’effet de sa propre décision qu’il ne pouvait pas prendre ses congés payés. Ce salarié ne pouvait donc obtenir ni un report de ses congés, ni une indemnisation au titre des congés non pris.

 

La Cour de cassation revient sur cette jurisprudence, car le droit européen impose quant à lui le maintien de leurs droits à congé précédemment acquis, au bénéfice des salariés partant en congé parental sans avoir pu partir effectivement en leurs congés. Ce revirement lui permet de mettre en conformité sa jurisprudence, et les pratiques des entreprises françaises, avec le droit européen.

 

Bon à savoir 💡

La Cour de cassation s’appuie sur les articles L. 3141-1 et L. 1225-55 du code du travail interprétés à la lumière de la directive 2010/18/UE du Conseil du 8 mars 2010. Selon le premier, tout salarié a droit chaque année à un congé payé à la charge de l'employeur. Le second prévoit que, à l'issue du congé parental d'éducation, le salarié retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente.

 

Source :

(Courdecassation.fr) Cour de cassation, chambre sociale, 13 septembre 2023, n° 22-14.043

 

Durée de travail des cadres dirigeants

Une salariée exerçant des fonctions de directrice administrative et financière avait été licenciée pour faute grave. Après ce licenciement, elle avait saisi la justice, en demandant notamment le paiement de rappel d’heures supplémentaires. Son ancien employeur contestait cette demande, au motif que l’ancienne salariée avait eu le statut de cadre dirigeant, et ne bénéficiait donc pas de la législation sur la durée du travail, notamment celle sur les heures supplémentaires.

 

Selon le Code du travail, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement (article L 3111-2 du Code du travail).

 

La cour d’appel avait jugé que la salariée devait être considérée comme cadre dirigeant, en retenant notamment les motifs suivants : entre 2014 et 2016, elle était associée de la société et détenait 5 % des parts ; selon une attestation établie par le président de la société, elle avait la qualité de cadre dirigeant et exerçait les fonctions de directrice administrative et financière, comme l’indiquait son bulletin de paie ; l'organigramme montrait qu'elle avait été la directrice administrative et financière aux côtés du directeur de production, du directeur technique et commercial, mais sans lien hiérarchique avec le président et le directeur général ; elle faisait partie, avec le président, des trois cadres à la classification la plus élevée et la rémunération était identique pour les directeurs et le président.

 

Mais la Cour de cassation casse l’arrêt des juges d’appel. Selon elle, les motifs retenus ne suffisent pas à caractériser que, dans l'exercice de ses fonctions, la salariée était effectivement habilitée à prendre des décisions de façon largement autonome, l'amenant à participer à la direction de l'entreprise.

 

Les parties sont donc invitées à se présenter devant une autre cour d’appel, pour que celle-ci détermine si, oui ou non, la salariée était effectivement cadre dirigeant, exclue à ce titre de la législation sur les heures supplémentaires.

 

 

Source :

(Courdecassation.fr) Cour de cassation, chambre sociale, 13 septembre 2023, n° 21-25.830

 

Durée maximale du travail

La durée hebdomadaire de travail, calculée sur une période quelconque de douze semaines consécutives, ne peut dépasser quarante heures. Mais cette limite peut être portée à quarante-quatre heures par accord collectif lorsque les caractéristiques propres à l'activité d'un secteur le justifient (articles L 3122-35, aujourd’hui abrogé, L 3122-7 et L 3122-18 du Code du travail). En application de ces textes, un accord collectif conclu dans le secteur des transports avait porté cette durée à 46 heures, pour les activités exercées en partie de nuit.

 

Dans un arrêt du 27 septembre dernier, la Cour de cassation se prononce sur un litige opposant un ancien salarié ayant exercé les fonctions de conducteur à la société de transport qui l’avait employé plusieurs années avant de le licencier. L’ancien salarié reprochait à son ancien employeur de ne pas avoir respecté les limites maximales de la durée du travail, et demandait une réparation pécuniaire. La Haute cour casse l’arrêt de la cour d’appel rejetant la demande du salarié, en rappelant deux principe à respecter en la matière.

 

En premier lieu, lorsqu’un salarié saisit la justice en prétendant avoir accompli un travail au-delà de la durée autorisée par la loi, c’est à l’employeur de prouver qu’il a respecté la législation. Les juges ne peuvent pas débouter un salarié de sa demande au motif qu’il n’apporte pas la preuve de ce qu’il demande.

 

Confirmation de jurisprudence, voir par exemple Cour de cassation, chambre sociale, 29 mai 2013, n° 12-13.267).

En conséquence, les entreprises doivent être prudentes sur ce sujet, en veillant à conserver des éléments de preuve sur les temps de travail de leurs salariés.

En second lieu, la Cour de cassation juge que le dépassement de la durée maximale de travail ouvre, à lui seul, droit à la réparation. Autrement dit, le salarié n’a pas à démontrer que ce dépassement a été pour lui la source d’un préjudice pour obtenir une indemnisation.

 

Là aussi, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence (Cour de cassation, chambre sociale, 11 mai 2023, n° 21-22.281).

 

Source :

(courdecassation.fr) Cour de cassation, chambre sociale, 27 septembre 2023, n° 21-24.782

 


 

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